Aspects historiques et géographiques du port de Boulogne-sur-Mer

 
Quand bien même l’histoire de Boulogne/mer se confond avec celle de son port, il ne s’agit en aucun cas de faire ici une histoire de Boulogne-sur-Mer, juste modestement de s’essayer à une histoire rapide du port, en accentuant le trait sur l’évolution géographique.

Avant le XIX ème siècle :

Les premières traces d’aménagement du port datent de l’époque gallo-romaine. On sait que César établit son armée sur les rives de la Liane pour l’invasion de l’Angleterre. Boulogne (plus exactement Portius Itius puis Bononia) deviendra l’un des grands ports d’embarquement de la Gaule pour l’outre-Manche. En 39 de notre ère, les romains y construisent un phare, dit phare Caligula (appelé plus tard  la Tour D’odre) qui sera détruit au XVIIème siècle (une pérennité exceptionnelle !). Pendant le Moyen Age, la vie du port est assez mouvementée (invasion des Saxons puis des vikings, piraterie, guerres…) et on peut légitimement supposer que le port ait subi de nouveaux aménagements au regard par exemple de l’importance croissante du commerce avec l’Angleterre. On dénote aussi des travaux sous Henri VIII (pendant l’occupation anglaise de 1544-1550), puis sous Henri II (construction du fort Le Châtillon en 1547).
Le phare Caligula et le fort Châtillon sont encore visibles sur la carte de 1804 à laquelle je vous renvois (carte n°1). Il faut attendre en fait le XIXème siècle pour voir les premiers vrais aménagements du port.

Carte n°1, Port de Boulogne en 1800. Cliquez pour agrandir (150 Ko)

Au XIXème siècle :

Obnubilé par son projet d’invasion de l’Angleterre, Napolèon I va radicalement modifier le faciès du port de Boulogne. A l’appui de la carte de 1804, on notera la construction d’un quai ; le creusement d’un bassin semi-circulaire pour accueillir la flotte française ; la construction de plusieurs forts (de la Crêche, de l’Heurt…) ; la création d’un arrière-port pour abriter le reste de la flotte.
Après l’abandon du projet d’invasion, le port sera complètement négligé pendant une bonne génération. Alors qu’en 1822 le 1er navire à vapeur accoste dans le port au départ de Douvres, il faut attendre les années 1830 pour une lente reprise des travaux grâce notamment à l’initiative de quelques personnalités locales (L’ingénieur des Ponts et chaussées Marguet par exemple …). De 1829 à 1839 (cf carte n°2), on note la construction des nouvelles jetées ; le dévasement du port ; la construction du pont Marguet. La ligne de transport de voyageurs Boulogne / Folkestone est mise en service en 1843.
A partir des années 1850, les aménagements s’accélèrent car le port connaît une croissance continue due au trafic. De 1858 à 1868, on construit un bassin à flot pour faire face à la croissance du commerce, c’est le bassin Napoléon.
Dans les années 1860-1870, les projets de construction foisonnent. Deux projets notamment marquent cette période : faire de Boulogne un port toujours accessible quel que soit le temps, ce qui nécessite de l’abriter, d’où la construction de la fameuse digue Carnot à partir de 1879 qui ne sera jamais achevée ; faire de Boulogne un port suffisamment profond pour accueillir les gros tonnages d’où les travaux contre l’ensablement mais là aussi inachevés. Quoiqu’il en soit, le port accueille en 1889 le 1er  bateau transatlantique en provenance des Etats-Unis ! ( aspect assez inconnu de l’histoire de Boulogne qui,  de 1889 à 1939, est un port d’escale pour les paquebots venant d’Amérique, d’Afrique, d’Asie…).

Au XXème siècle :

Au début du XXème siècle, le port connaît une forte croissance commerciale mais comme il est à l’étroit, il devient urgent de faire des aménagements. On relèvera :
- la construction du bassin Loubet de 1904-1911 pour le commerce et la pêche.
- Le creusement d’une souille (afin d’accroître la profondeur du port) pour pouvoir accueillir les gros transatlantiques.
- Le prolongement de la digue Carnot et le début de la construction de la digue Nord.

Carte n°2, Port de Boulogne en 1920. Cliquez pour agrandir (180 Ko)

En 1914, le port de Boulogne a fière allure :

- 1er port de pêche avec plus de 50 000to de poissons. Les pêcheurs boulonnais partent aux larges de l’Ecosse ramener le Hareng (qui représente une grande partie de la pêche) ; ou en Mer du nord, aux larges de l’Irlande, dans le golfe de Gascogne pour le poisson frais ; voire encore aux larges de Terre-Neuve pour la morue. Grâce à l’arrivée du chemin de fer (1890, 1901), les produits de la pêche s’écoulent facilement.

- 6ème port de commerce avec 800 000to de fret, Boulogne est surtout un port d’importations (80% du trafic ) : charbon d’Angleterre et minerai de fer de Bilbao pour la métallurgie d’Outreau ; bois des pays scandinaves pour la tonnellerie ; jute de Calcutta pour les usines textiles de la somme ;  laine d’Australie pour les textiles de Roubaix-Tourcoing ; sel et glace d’Algérie ou de Norvège. En échange, le port exporte du ciment, des produits agricoles, des fleurs…Par le commerce, le port de Boulogne-sur-Mer est en relation avec le monde entier.

- 1er port transmanche pour le transport des voyageurs, plus de 400 000 passagers ! Sans compter les 30 000 passagers des transatlantiques ( en provenance de New York, Rio de Janeiro, Lagos, Le Cap…). Le chemin de fer là encore a rendu d’énormes services permettant des liaisons rapides entre l’Angleterre et Paris via Boulogne.

Pendant la seconde guerre mondiale, le port est rapidement occupé par les Allemands en mai 1940. Il devient « zone interdite » même pour les boulonnais. Les Allemands construisent une base-abri en béton pour les vedettes rapides et qui servira aussi à la réparation et au montage de sous-marins de poche. Une puissante base de DCA ( on y voit encore les vestiges) est montée sur la digue nord. En 1942, Ferdinand Sarraz-Bournet, une personnalité locale, lance le projet « Capécure » : il s’agira, à la fin de la guerre, de construire un vrai quartier industriel essentiellement dévolu à la pêche, où seront concentrées toutes les activités afférentes au poisson. En septembre 1944, à l’approche des armées alliés, les Allemands mettent au point un plan de destruction du port, qu’ils mettront à exécution du 2 au 6 septembre. 98% du port est détruit ! !

La reconstruction va perdurer jusqu’en 1956, le projet Capécure est mis en application. Le port renoue rapidement avec la croissance, tant au niveau de la pêche que du commerce. Pour y faire face, on lance la construction en 1967 de la Darse Sarraz-Bournet qui va permettre une progression extraordinaire du trafic. Entre temps, les APO (Acieries Paris-Outreau) se sont installées et vont contribuer à marquer l’histoire du port.
Par la suite, on favorisera plusieurs orientations :
- l’orientation touristique avec l’extension du port de plaisance à l’arrière-port en 1971 et le projet Nausicaa en 1984 (ouverture en 1991).
- l’orientation scientifique avec l’installation de centres de recherche et de formation (IFREMER, l’Université etc…).
 

je cite ici les ouvrages qui m’ont permis de faire ce travail, et remercie chaleureusement la Chambre de Commerce et d’Industrie.

- Boulogne-sur-Mer, regards sur le passé, office municipal de la culture, ouvrage collectif, 1983
- Histoire de Boulogne-sur-Mer, sous la direction d’Alain Lottin, ouvrage collectif, 1998
- Le port de Boulogne-sur-Mer de 1900 à 2000, Guy Bataille, François Guennoc, Georges Oustric, Chambre de Commerce, d’Industrie et des services, 2000
- Et tous les fascicules, livrets ou autres fournis par la Chambre de Commerce.

Milam