( Article réalisé dans le cadre du fanzine MéluZine )


I.
L’hommage, définition et origines
II.Le document
III.Le statut de vassal et de seigneur



 

Vous savez tous que dans Mélulice, quand un chevalier intègre un fief appartenant à une mesnie, il est coutume qu’il mette quelques mots dans la gazette où, en général, il énonce sa fidélité à son nouveau duc et patati et patata…C’est ce qu’on appelle l’hommage. De facto, à Mélulice, l’hommage se résume à une déclaration courte, plus ou moins formelle, anodine voire sans intérêt, bref, une formalité. Or, d’un point de vue historique, qu’en est-il ? Plus exactement, qu’est-ce que réellement l’hommage ?

C’est l’objet de cet article dont la finalité est d’expliquer ce qu’on appelle l’hommage au moyen âge et d’en décrire la cérémonie par le biais d’un texte historique du XIVème siècle. De plus, le texte historique en question sur lequel cet article repose, peut s’avérer tout à fait utile en guise d’inspiration pour la gazette, du genre "  T’es vachement content, t’as eu un fief, mais….tu dois faire une déclaration d’hommage dans la gazette et ….t’as les boules car tu sais pas quoi dire, tu veux un truc vachement original….bah… " enfin bref, vous voyez ce que je veux dire.

I > L’hommage, définition et origines :

Avant d’étudier le document, il nous faut préalablement répondre à une question : l’hommage, c’est quoi ? La réponse suppose au départ qu’on pose comme idée générale que la cérémonie de l’hommage s’inscrit dans un ensemble de pratiques plus vastes qu’on résume sous le vocable de vassalité ( puis de féodalité ). Hommage et vassalité sont extrêmement liés comme nous allons le voir dans le petit rappel historique qui suit.

VIIème – VIIIème siècles : Pour des raisons complexes et diverses ( période difficile, insécurité…), émerge un ensemble de pratiques sociales et politiques qui posent les bases de la vassalité. La vassalité, quésako ? C’est un lien qui unit un homme à un autre. Plus exactement : un homme libre, qui a besoin de protection et de sécurité, décide d’entrer dans la " Mainbour " ( protection ) d’un homme plus puissant par le biais d’une cérémonie dont la partie essentielle est l’hommage. Cette cérémonie est un contrat liant deux hommes : d’un côté le puissant ( qu’on appelle le " senior " et qui donnera le mot " seigneur " ) qui prend le futur vassal sous son aile, qui lui accorde une protection totale, cette dernière se concrétisant par des " bienfaits " ( des " cadeaux " au sens très large, c’est à dire, bah, tout en somme, ça peut être des vêtements, un revenu, le gîte et le couvert…..) voire parfois par une terre ( mais pas toujours ). De l’autre, le " faible " ( dit " vassus " qui donnera " vassal " ), lié désormais par un lien personnel très fort avec son nouveau seigneur, lui doit une aide militaire totale et une obéissance proche de la soumission. J’insiste sur le fait que le vassal est lié par un lien extrêmement important à son seigneur, personnel, tellement que le seigneur en devient presque un parent supplémentaire ( un lien quasiment paternel ), que le vassal est motivé par un besoin de protection et de sécurité, et que la nature des bienfaits du seigneur dépendent de sa générosité ( se résument très souvent à un toit et de quoi manger ).

Au IXème, la vassalité évolue et change de visage. D’une part, elle se généralise au sein de l’empire carolingien ( politique volontaire de Charlemagne, désormais, tous les hommes libres sont invités à entrer dans la vassalité d’un seigneur ), et surtout, la coutume impose petit à petit un lien systématique entre l’hommage et un bienfait sous la forme d’une terre. Dés lors, quand un vassal fait hommage, il est presque sûr de recevoir une terre en retour ( avec tout le reste évidemment, la protection du seigneur etc …). Notons que le seigneur " offre " une terre à son vassal en " usufruit ", c’est-à-dire, que le vassal n’en est aucunement propriétaire, il en a que la jouissance. A la mort du vassal, où si ce dernier fait défaut à ses devoirs ( obéissance etc…), le seigneur récupère la terre.

Cependant, à partir du milieu du IXème siècle et du Xème siècle, l’usage va imposer petit à petit le fait que le vassal considère cette terre comme la sienne.

Au XIème siècle, la terre donnait au vassal prend peu à peu le nom de fief ( apparition donc de la féodalité stricto sensu ), et jusqu’au XIIIème siècle, on va assister à la mise en place définitive de ce qu’on appelle les institutions " féodo-vassaliques " ( amalgame entre la vassalité et le fief ). l’hommage prend l’aspect qu’on lui connaît le plus pendant cette période, il est temps pour nous d’étudier celui-ci plus amplement.

II > Le document :

Remarques préalables : Voici le document en question qui va nous permettre de suivre " en direct " la cérémonie de l’hommage et par-là même de la détailler. L’action se passe à Agen qui se situe à l’époque en terres anglaises. On a trois protagonistes : le notaire qui rédige l’acte, Gaston de Foix le vassal, et son nouveau seigneur le Prince Noir.
 

Enfin, l’ultime étape d’un hommage, qui n’est pas précisé dans ce texte : l’investiture. Après le geste des mains, après la déclaration du vassal et son serment, il est coutume en général que le seigneur remette au vassal ce qui est devenu la raison même de toute cette cérémonie, le fief. Par un symbole qui est censé représenté le fief ( une motte de terre …), le seigneur donne à son nouveau vassal ( il " l’investit " ) une terre qui condense en elle tous les aspects de ce contrat particulier : Il s’agit bien d’un contrat entre un vassal et un seigneur, dans lequel le premier doit certains services, contre une " rémunération ", ici une terre. Je précise cependant que sous le vocable de " fief ", on peut rencontrer beaucoup de chose mais par forcément une terre. Les choses sont comme d’habitude plus complexes, car cela peut être un ensemble de droits ( de commandement, ou de justice ), un revenu ( une dîme, un péage, un tonlieu …), ou même un moulin !
Voilà, on en sait un peu plus maintenant sur ce qu’on appelle l’hommage au moyen âge. Mais, maintenant que Gaston est devenu vassal, c’est bien gentil tout ça, mais, ça implique quoi au juste pour lui ?
Document qui illustre bien l'Immixtion mannum
(© B.N.F)

III > Le statut de vassal et de seigneur :

On a dit que l’hommage, avant d’être une cérémonie, est avant tout un contrat entre un vassal et un seigneur, contrat qui fixe les droits et les devoirs de chacun. Dans le jargon historique, on dit que ce contrat est synallagmatique, c’est-à-dire, qu’il fixe des devoirs réciproques entre les deux individus.
Autrement dit, quand je deviens le vassal d’un seigneur, ça veut dire que désormais, je suis son homme, son serviteur, je lui " appartiens ", et surtout j’ai dés lors vis-à-vis de lui un ensemble de droits et de devoirs ( ou services ), là est le véritable statut du vassal. Il faut bien comprendre que quand on entre dans la vassalité de quelqu’un, et qu’on bénéficie en retour de sa puissance, ce n’est pas gratuit, on s’engage à de lourdes contraintes et responsabilités. Quels sont donc les services que doit le vassal vis-à-vis de son maître ? Le vassal doit l’AIDE et le CONSEIL ( services qui sont détaillés dans le tableau de la page suivante), il doit évidemment l’obéissance, et il ne doit en aucun cas nuire à son seigneur ( cette condition, qui peut paraître évidente, est toujours rappelée oralement lors de l’hommage ). De plus, l’hommage est un engagement total ne pouvant être rompu que par la mort ( ou dans des cas très précis et rares). Si le vassal rompt son contrat ( en faisant la guerre à son seigneur par exemple ), il devient félon ( mot apparu au IXème siècle, du francique –fillo, de -filljo, " celui qui fouette un esclave " ). Dans ce cas, le seigneur reprend la terre qu’il a donnée au vassal, on dit qu’il y a " commise du fief ".
Document qui illustre L'Osculum
ou "le Baiser de paix"
(© B.N.F)
 

Voici le tableau sur les droits et devoirs du seigneur et du vassal :

Le vassal :

Moi, Gaston de Foix, en tant que vassal, je dois à mon seigneur…

" l’AIDE "

( AUXILIUM en latin )

je dois " aider " ( au sens de " servir " ) mon seigneur selon les cas suivants :

Je dois à mon seigneur l’aide Militaire
C’est la raison d’être du contrat et prend plusieurs formes :

- Le service d’Ost : c’est le service de guerre. En cas de conflit, de campagne, le seigneur réunit ce qu’on appelle " le ban " ( ses vassaux ) et " l’arrière ban " ( les vassaux de ses vassaux, dits aussi vavasseurs). Le vassal est tenu de venir à la convocation seul ou pas ( selon les conditions fixées par l’hommage. Un vassal puissant viendra accompagner de plusieurs vassaux ).

- le service de chevauchée : on appelle chevauchée les services militaires de courte durée ( expédition etc…), les services d’escorte etc…

- le service de garde ( dit l’Estage ) : le vassal doit un certain jour de garde au château ( n’est pas systématique ) .

Je dois à mon seigneur l’aide

Judiciaire

Le vassal doit assister judiciairement son seigneur, il doit accepter de servir de répondant à son maître et de prêter serment avec lui. A mélulice, un seigneur ( vicieux ?) aurait tout à fait le droit par exemple de demander à un vassal d’aller faire un JDD en son nom.
Je dois à mon seigneur l’aide

Matérielle

Aide importante, mal connue. C’est ce qu’on appelle " l’aide aux 3 ou 4 cas ". Dans certaines circonstances exceptionnelles, le vassal est tenu d’aider matériellement son seigneur ( financièrement notamment). Ces circonstances ont été codifiées et on en trouve en général 3 voire 4 : Rançon du seigneur ( aide pour payer la rançon de son maître) + chevalerie du fils aîné ( aide quant le fils du maître est adoubé, l’adoubement coûte très cher ) + mariage de la fille aînée ( idem, aide si la fille se marie ) + départ de croisade ( aide si le maître part en Palestine ).
" le CONSEIL "

( CONSILIUM en latin )

je dois " conseiller " mon seigneur ( au sens stricte mais aussi au sens d’être à ses côtés )

Je dois à mon seigneur le

Service de cour

Il s’agit déjà de répondre aux convocations du seigneur, de l’accompagner dans les grandes occasions, dans les grandes assemblées, pour accroître son prestige ( plus on est entouré, plus on est censé être puissant …)
Je dois à mon seigneur le

Service de plaid

Il s’agit d’aider son seigneur par ses conseils, ses avis, de l’aider quand il le veut à faire justice en son tribunal….
Le seigneur :
Les devoirs du seigneur sont moins complexes : 

- Il doit défendre et garantir son vassal. Il lui doit une protection militaire.

- Il doit lui rendre bonne justice.

- Il doit se porter garant de son homme devant un autre seigneur.

- Il doit lui accorder aide et protection matérielle.

- Enfin, et c’est à partir des X-XI ème siècles, le plus important, il lui fournit une terre.


Milam (mars-avril 1999)
(la version HTML de cet article a été faite par Cédric Biélinski)
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